Derrière les froids cacluls du capital investisseur se noue une relation intuitu personae entre l’entreprise et ses venture capitalists ou business angels. Souvent, cette relation structure et déploie sensiblement l’entreprise fi(n)ancée.
Très schématiquement, l’entreprise s’oxygène via trois grandes voies respiratoires : le poumon de l’autofinancement, la bouteille de plongée de la dette et la greffe alvéolaire de l’augmentation de capital laquelle consiste soit à recourir à l’épargne publique soit au capital investissement. Auscultons cette toute dernière voie et demandons-nous si les hommes et les femmes qui investissent s’investissent.
Des chiffres…et de l’être ?
L’an passé en France, environ 1.200 startups déjà amorcées, PME et ETI non cotées ont été accompagnées dans leur croissance par les 127 acteurs du capital-investissement hexagonaux (innovation, développement, transmission/LBO et retournement) lesquels auront levé autour de 15 milliards d’euros d’épargne. (1)
Ces chiffres n’incluent pas les business angels dont le soutien s’avère nettement plus atomisé. Il y a 6 ans, presque 70% des business angels interrogés investissaient dans plus de 5 sociétés (2) et cette statistique semble encore d’actualité. Fort intérêt des business angels pour l’accompagnement de jeunes sociétés ou saupoudrage excessif ? Troisième business angel français (3), Xavier Niel, fondateur de Free et de Kima Ventures, avec 25M€ investis depuis janvier 2016, dans 100 startups illustre à lui seul le phénomène.
Au demeurant, outre le ROI, le deuxième grand ressort de l’investisseur tient à la jubilation de tutorer. Avant, pendant, après la mise de fonds, il coache, conduit la due diligence, conseille quant à la stratégie puis participe au Conseil d’Administration, ouvrent ses réseaux professionnels…
Nombreux sont ceux qui à l’instar de Laurence Méhaignerie, co-fondatrice de Citizen Capital, sont devenus investisseurs « par désir d’entreprendre » ou prolongent ainsi leur carrière d’entrepreneurs.
Exhausteur de valeur
Les créateurs de Bagel Corner, trentenaires à l’heure d’exposer leur affaire au baptême du feu de la franchise, en 2014, ont eu l’intelligence de faire monter à leur bord des acteurs expérimentés issus du sérail : un ex DRH Mac Do et un ancien franchiseur de Midas. « Ils nous ont apporté de la crédibilité, ouvert des portes et leur assistance stratégique et opérationnelle a permis une sensible accélération dans le déploiement de notre concept » explique Michaël Cohen co-fondateur de l’enseigne désormais forte de 30 points de vente.
Suite à une reprise et après 3 ans et demi d’accompagnement managérial assidu, OpenGate Capital a réveillé une belle endormie, Benvic, devenu producteur de compounds PVC à la pointe en Europe, lovée, jusqu’en 2014, dans le giron du groupe Solvay.
« Nous devons toujours convaincre les vendeurs de notre capacité d’engagement opérationnel à valeur ajoutée » reconnaît Fabien Marcantetti, Managing Director d’OpenGate. Ce capital investisseur acquiert puis surtout soutient grâce à ses équipes « opérations » les sociétés acquises.
« Nos experts Opérations œuvrent main dans la main avec l’entreprise et suivent nos participations pendant toute la période de détention (3 à 5 ans) » poursuit Fabien Marcantetti. Ces « sparring partners » installent des revues de performances mensuelles lesquelles facilitent le pilotage des sociétés portées sur des voies d’accélération. Ils se déplacent aussi sur site autant que de besoin.
Je me sens investi donc j’investis.
Ce matin de mai 2017, une trentaine d’entrepreneurs et spécialistes de la transformation des organisations venus du monde entier à Amsterdam vivent une expérience hors du commun. Et pourtant très simple. Les participants, dont l’auteur de cet article, assistent à une session organisée par la société Encode, spécialiste d’une nouvelle programmation capitalistique des sociétés à vocation. La session est entraînée par Tom Thomison, le fondateur d’Encode (4). Répartis en 3 groupes de 10 personnes, chacun reçoit un carton blanc et les consignes de « prendre place dans l’espace selon l’indication que portera ledit carton une fois retourné, sans dire un mot ». Au signal, les cartons révèlent 6 salariés, 1 manager, le fondateur, le CEO et l’actionnaire. Les 6 salariés se disséminent qui autour du CEO qui face au Fondateur ou tout simplement entre eux tandis que les deux derniers talonnent un manager ; L’instabilité règne, le positionnement tactique domine. La simulation marque une pause puis un deuxième jeu de cartons blancs nous échoit et sitôt ceux-ci retournés, les dix membres de mon groupe se rassemblent dans une sorte de mêlée fraternelle. Je jette un regard alentour et les deux autres groupes se sont fédérés de la même manière. Sur chacun de nos cartons figurait le mot « investisseur ». Dans les sociétés à vocation, rivée à un objectif qui dépasse le profit, le ralliement redevient possible parce que chacun est investi, s’investit et investit.
- Baromètre AFIC Grant Thornton publié en oct 2017
- étude Neovian commandée par le Ministère de l’économie et des finances en 2012
- Classement Angelsquare 2017
- www.encode.org